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Auteur:  Felix Molitor

La part de la fin
(« fin de partie »)

I

            Je revois cette feuille blanche, analogue à des millions d’autres. Elle     m’hypnotisait. J’entends le silence de l’atelier immense et clair. Je vois les        toiles, les taches de couleurs, les lignes encore indéchiffrables de Paul Klee danser aux murs. Je sens son grand regard calme posé sur moi pendant que la cascade académique de tous les trucs et tics de l’Ecole des Beaux-Arts : fusain, mie de pain, chiffon, estampe, lavis, etc., défilait   devant ma mémoire. Deux mondes se heurtaient en moi, celui que j’avais   connu et qui devait s’avérer faux, périmé, fatigué, vidé, artificiel, sans vie, sans poésie ; l’autre, qui allait s’ouvrir devant moi, jeune, nerveux, vivant, dangereux, énigmatique, inquiétant, sarcastique, spirituel. 

            (Lettre de Théo Kerg, Paris, le 6 mars 1958 © homepage Théo Kerg)

Théo Kerg, jusqu’au moment ultime de sa vie, se moquait de tous les faire-semblant, de toutes les hypocrisies ambiantes ; il était de ceux qui savaient que le monde vivait des temps immondes, sous le règne de la botte du plus fort sur le dos du plus faible. Ainsi se moquait-il de voir, à un certain moment de son évolution d’artiste, ses toiles enlevées ou vandalisées, son art déclaré comme « non art » par les pontes de son propre pays, au profit d’une certaine Ecole de Paris… Mais s’est-il vraiment moqué, n’a-t-il pas dû autant pleurer en voyant que l’art se faisait trop souvent embrigader par les défenseurs d’une certaine esthétique visant l’épuration des virtualités dérangeantes ?

Théo Kerg n’avait qu’un maître dont il avait coutume de se désigner l’élève : Paul Klee. Il s’était forgé ses outils d’artiste à contre-courant de toute offre et de toute demande. Klee lui avait permis d’accéder au geste « tactiliste », au « froissage » et à la liberté de faire parler l’espace. Théo Kerg ne faisait équipe qu’avec des artistes libérés comme lui et soucieux comme lui de réinventer un art dans la matière ambiante des grands bouleversements – un « spatialisme terrestre et lunaire » permettant au créateur de se savoir récepteur de toutes lumières esthétiques en provenance des mondes inconnus qui se rapprochent du règne de l’humain…

 Théo Kerg faisait partie des plus voyants des artistes rêveurs de son temps ; en témoigne son approche parfaitement plurielle du support, maîtrisant le geste artistique à tel point que l’ouvrage final n’a plus aucune appartenance fonctionnelle : il n’y a plus la moindre dualité entre matière et support, et l’objet ainsi surgi d’on ne sait où fait partie intégrante de l’espace qui l’entoure, qui le porte et le couvre. Autrement dit l’artiste Kerg, en composant son oeuvre, recompose tout une « matière spatiale » destinée à la soutenir et à la porter dans l’existence.

Seul un poète est apte à faire ainsi la matière se spatialiser et l’espace se matérialiser dans une dynamique perpétuelle – lumière produite en continu, comme si l’ouvrage cherchait corps dans l’infini… 

Le rêve de Théo Kerg sera toujours de faire interagir matière, espace et lumière à l’instar des astrophysiciens, non sans un peu de désarroi  – une angoisse d’un Pascal, une interrogation nauséeuse d’un Sartre, – maîtrisé cependant par une force des plus viriles issue des profondeurs oniriques d’un visionnaire des arcanes cosmiques du moindre mouvement de sens, de la plus imperceptible des significations : Kerg le questionneur du signe parce que les figures évoluent à la recherche de leur naissance et de leur destin … ou de leur mort.

II

La fin des années 70 préfigure déjà une fin de vie.  Vers 1979, l’époque où Théo Kerg dépose une demande de divorce, – geste dans le contexte d’une déroute tous azimuts qui se laisse deviner comme une ultime tentative désespérée de résister aux signes des temps et d’un destin, – le créateur enthousiaste cède le pas à l’artiste désabusé, en mal de reconnaissance, s’isolant dans une introspection douloureuse. Une cruelle détérioration physique due au cancer, la mésentente avec ses enfants, le refus des institutions culturelles luxembourgeoises d’acquérir ses toiles : L’artiste se retrouve rejeté dans l’abandon de tout ce qui avait donné sens à sa vie. Le travail créatif ressemble de plus en plus à un combat sans espoir, pourtant mené jusqu’au dernier souffle.

L’art se révèle encore et toujours comme l’unique moyen de braver le destin, même si les travaux des dernières années semblent censurer amèrement le geste initial et initiateur… Théo Kerg  reprend plusieurs toiles anciennes, non pas pour leur ajouter des éléments, retravailler motifs ou matière, mais dans un but impitoyablement épurateur les déchirer, les trouer, leur arracher des pans entiers jusqu’à les rendre méconnaissables…    Dans cette déroute morale et esthétique, une toile vraisemblablement créée vers 1985 accumule sur le mode tactiliste les questions qui tourmentent :

            Pourquoi ces créations ?

            Pourquoi ces créateurs ?

            Mots = verbes

                      = matière

            Pourquoi des mots ?

L’artiste en fin de parcours, faisant l’expérience d’un douloureux arrachement aux gestes de la vie et à la communication, dans la logique implacable d’un long écroulement, reconnaît que l’art seul continue obscurément à avoir matière de signifier, de mener au large. Dans l’absolu la création doit fournir lieu et matière de sortie des contingences du temps et de l’espace.   Si même on n’entendait par là que la seule promesse de libérer l’esprit ou l’âme, la quintessence de l’être, comme laisse deviner cette confidence des années cinquante, révélation du « tactilisme terrestre et lunaire » :

« So wird meine Malerei eine Befreiung des Geistes, der Konzepte und der Konzeptionen. Sie ist permanent ‚offen‘. Sie ist eine Entdeckungsreis ohne      Ende, ohne Grenzen. »

                   (Théo Kerg, 1959)

En revanche, les mains qui tracent, sculptent, forment, déforment et transforment sont devenues hésitantes, voire abdiquantes… La force créatrice du geste cède le pas à l’interrogation. Ces mains posent dans le doute d’elles-mêmes en faisant le geste retourner vers son expression la plus primitive, la plus basique – la base conditionnelle, pour ainsi dire, de toute création future : le tri, le ‘’frayage’’, le dégagement,  le froissage voire la destruction et l’évacuation des encombres. 

«  Original-Knüller von Théo Kerg » : un diptyque de la dernière période faisant voir à droite un papier froissé ; à gauche le graffiti d’une citation de Paul Klee. Knüller, dérivé du verbe knüllen‘’ froisser’’ (du papier), signifie ‘’ nouvelle ouévénement sensationnel ‘’ – ‘’scoop’’ –  visant l’inattendu, l’inhabituel…  Ici, un renversement des valeurs acquises, une contestation des canons établis,  une revendication d’un esprit d’avant-garde, – et une franche ristourne à l’endroit des pontes gardiens de l’art au Luxembourg et fervents adversaires de tout esprit dialectique, frileux conservateurs auxquels manque le courage de « froisser » l’ancien pour tenter du nouveau  :

            au delà du papier :

            pli sous pli (Mallarmé)

            froissage= la matière

            devient objet

            l’accidentel est début  

            de toute création,

            de toute imagination,

            de toutes les possibilités

            des poètes peintres,

            musiciens et autres

            créateurs.     (Paul Klee)

Cette citation qui ‘’porte’’ la création du dyptique est emblématique pour l’ensemble de l’oeuvre kergienne. Elle témoigne en l’occurrence d’un esprit radicalement affranchi, assoiffé d’indépendance : une pensée libertaire, aux antipodes de tout constructivisme esthétique ou idéologique. Toute politisation de la personne de Théo Kerg nous paraît donc dénuée de sens ; cet homme ne respirait que dans son art, ne vivait que pour créer, innover, écraser l’établi pour ne tabler que sur de l’inédit, s’insurgeant contre tout esprit réactionnaire, intolérant, passéiste. Le substrat « spatialiste » en est la parfaite expression. En plein coeur des années quarante, notre artiste, forgé dans la matière initiatique de l’esthétique créationnelle d’un Paul Klee, s’engage dans l’aventure spatialiste inaugurée par Lucio Fontana en 1946 dans son « Manifesto blanco », appelant la fusion de l’espace et de la lumière aux dimensions cosmiques qui transcendent en permanence le monde environnant, à l’heure de la conquête spatiale… Cet esprit libre, réfractaire aux ambiances qui divisent, cloisonnent et enferment,  avait trouvé lieu et matière pour soutenir les réfugiés de la Guerre d’Espagne et rendre hommage à Lorca, tout comme il se ralliera à la cause d’un Martin Luther King !

Le « spatialisme terrestre et lunaire » des années 50 trouvera son écho littéraire chez Pierre Garnier, l’inventeur de la « poésie spatiale », dans l’ordre d’un dépouillement quasi mystique du regard et du geste créateur à l’égard des lieux d’espace et de lumière dans lesquels se font voir, désigner et nommer les êtres et les choses : refus du cadre au profit de l’être:

J’ai débarrassé la poésie des phrases, des mots, des articulations. Je l’ai agrandie jusqu’au souffle (…)

(…)  à partir de ce souffle peuvent naître un autre corps, un autre esprit, une autre langue, une autre pensée. Je puis réinventer un monde et me réinventer. 

(Pierre Garnier, article « Un art nouveau : la sonie », n°31 de la revue Les Lettres, 25 novembre 1963)

Théo Kerg, un artiste dans l’absolue liberté de son art, et qu’une étoile noire avait fait naître au mauvais endroit au mauvais moment…        

Tenant tête à toutes les déconvenues endurées à Luxembourg qui le condamneront à terminer sa vie dans l’incompréhension des siens, Théo Kerg, jusqu’à sa mort, est resté fidèle à lui-même, fût-ce dans les souffrances les plus pénibles. Son oeuvre, méconnue par ses pairs, écrasée par le mépris réactionnaire d’une critique grassement entretenue par les préjugés d’une certaine intelligentsia grand-ducale –  celle-là-même qui l’avait dénoncé comme collaborateur de l’occupant, empêtrée dans les convenances d’une certaine Ecole de Pariset d’autres survivances formalistes des périodes de l’art, – continue de traduire une détermination créatrice des plus farouches à l’endroit où l’artiste s’assume dans sa propre vocation de libérer la création picturale de ses chaînes ancestrales afin de faire le geste créateur prendre son envol dans le sens le plus pur du terme !

En fin de parcours, – sa « fin de partie » comme il l’appelait, – Théo Kerg nous offre l’exemple d’un artiste tendu vers le geste créateur le plus épuré permettant l’oeuvre d’art sous la forme de l’advenance absolue, c’est-à-dire dans un lieu qui ne se laisse plus dire, ni décrire, ni commenter, ni expliquer : un lieu de présence purequi n’a de pareil que … sa propre négation !  Nous voyons en l’occurrence l’artiste « retravailler » certaines de ses toiles anciennes, en leur faisant subir des déchirures, des pans arrachés, comme autant de négations du geste d’avantservant à poser la présence de l’objet dans un présent qui s’abolit lui-même comme objet aboutiparce que l’art vrai n’est pas une ligne d’arrivée mais un point de départ : une absence par conséquent, un temps aboli et un non-encore-advenu, la négation comme le vide intersidéral du tout-à-venir : présence pure, point-de-présence! L’instant avant le big-bang ? Principe et fin – l’instant-zéro du spatialisme ? …

III

En fin de parcours prévaut la « froissure » ainsi que les procédés picturaux par destruction du supportallant jusqu’à la suppression pure et simple de ce qui ‘’porte’’ l’oeuvre, expulsant, propulsant le geste, le trait, la trace en pleine absence, creusant le néant dans ce qu’il recèle d’espaces à conquérir… 

Tactilisme, certes parce que Kerg l’invoque lui-même à plusieurs reprises, aussi parce que la critique d’art le mentionne en corrélation avec l’occurrence de ‘’techniques ‘’ dont le spatialisme, dans la lignée des mouvements futuristes. Cependant il nous semble que dans le cas de Kerg, on devrait trouver un autre vocable, moins scolastique, moins historique, visant les qualités prophétiques de l’entreprise kergienne, surtout en matière d’esthétique négative : nous pensons en particulier à la recherche d’un art sans médiums au profit d’un simple jeu de relations… 

 A l’instar d’un John Cage (1912-1992), compositeur expérimental et minimaliste qui avait su faire apprécier la musique du silence, un Théo Kerg, après s’être progressivement libéré des formes figées de l’univers familier, a su pousser la recherche de la trans-formationjusqu’à une représentation de la non-forme, une approche du geste pur : jusqu’au déchirement du lieu pour libérer le néant comme promesse… Pourrions-nous donc invoquer à ce propos un minimalismeà l’endroit de l’art de Théo Kerg ?

Dans la mesure où le projet artistique de Kerg vise plutôt une trace de l’objet que l’objet lui-même, plutôt un indice qu’une présence, et que toute ébauche de contour ne traite pas l’objet tracé mais le vide contigu, adjacent, au delà ou en deçà, on devrait parler d’un minimalisme négatif : le moteur de l’oeuvre d’art, c’est ce que le philosophe Jacques Derrida appellerait « différance » : un perpetuum mobile des signifiants, des sens déplacés, déjoués en permanence, et dans un tableau de Kerg on pourrait dire que tout ce qui déchire met en lumière ce qui construit, que tout ce qui construit appelle la rature, l’entaille, la coupure, que tout oscille dans un va-et-vient permanent entre surgissement et anéantissement, entre présence et absence, entre le plein et le vide, de sorte que l’oeuvre ne fait voir rien d’autre que la projection d’un geste, ce mouvement de l’être-qui-crée, sans que l’on sache vraiment d’où ça part ni vers où ça va. Parole d’artiste, d’un certain Artaud : 

Si le signe de l’époque est la confusion, je vois à la base de cette confusion une rupture entre les choses, et les paroles, les idées, les signes qui en sont la représentation. 

(Antonin Artaud, Le théâtre et son double, Préface, Ed. Gallimard, 1964, p. 12 )

Ce qu’il faut par contre absolument considérer sans réserve, c’est le caractère délibérément existentiel du geste artistique,dans son vouloir-direle plus concret, le plus physique, le plus douloureux. Carlo Kerg, le fils de l’artiste, nous rapporte que son père considérait les cordes et les ficelles sur ses tableaux comme des tendons de son propre corps !

 L’artiste et son oeuvre sont d’une même matière vivante ! Or la texture de cette matière se file à l’aveugle comme une syntaxe en déroute, comme les dessins fantasmagoriques d’une onde de choc, logique de la déconstruction selonDerrida, comme si le philosophe nous faisait voir le peintre :

(…) tremblement de terre comme effondrement du sol, du fondement, du Grund, un tremblement survenant tout à coup, et là où on ne sait plus sur quoi reposer. Et ça, c’est la situation typique, archétypique, voire archéologique de la déconstruction (…)

Je pense que l’on ne commence à penser qu’au sein de ce tremblement. Tout d’un coup, il n’y a plus rien de garanti, plus rien de solide. Mais je dirai aussi que cette expérience est toujours une expérience de responsabilité (…)

Il n’y a jamais de vraie responsabilité sans tremblement. On tremble quand on prend une décision. (…)

Et on doit trembler. Tout d’un coup, le corps et le sol tremblent. 

(Jacques Derrida, « La mélancolie d’Abraham », entretien avec M. Ben-Naftali, Les Temps Modernes,n°669-6670, 2012, pp. 48-49. Cf. aussi Jacques Derrida, « Comment ne pas trembler ? », Annali Fondazione europea del disegno(Fondation Adami), II, 2006.)

Ailleurs, dans ses célèbres propos sur Antonin Artaud, Jacques Derrida forge  un concept inédit, la « jetée »,en lice avec le « subjectile », décrivant l’acte artistique comme une tempête inouïe, une émergence de forces vives depuis les tréfonds de l’être, paroxystique dans l’absolu :

J’appelle ici jetée le mouvement qui, sans être jamais lui-même à l’origine, se modalise et se disperse dans les trajectoires de l’objectif, du subjectif, du projectile, de l’introjection, de l’interjection, de l’objection, de la déjection et de l’abjection, etc. Le subjectile se tient entre ces différentes jetées, soit qu’il en constitue l’élément sous-jacent, le lieu de naissance, soit qu’il s’interpose, comme une toile, un voile, un « support » de papier, l’hymen entre le dedans et le dehors, le dessus et le dessous, l’en-deçà ou l’au-delà, soit enfin qu’il devienne à son tour jetée, non pas cette fois comme le mouvement même de ce qui se jette mais comme la retombée durcie d’une masse de pierre inerte dans le port, la limite d’une «tempête arrêtée », le barrage (…)

La pensée du jet est la pensée de la pulsion même, de la force pulsive, de la compulsion et de l’expulsion. De la force avant la forme. 

(Jacques Derrida, Forcener le subjectile, Gallimard 1986, p.63)

Qu’est-ce donc le subjectile, chez un Théo Kerg arrivé au terme d’un long voyage à travers les formes aux prises avec l’espace, à travers l’énergie vive de la lumière aux prises avec la matière consolidée, à travers le transparent aux prises avec l’opaque ? Ne serait-il pas lieu ouen-droit du support, du médium et de l’outil ? « Hymen entre le dedans et le dehors, le dessus et le dessous, l’en-deçà ou l’au-delà », le langage du support chez Kerg est fondamentalement « aporique »(dirait Derrida) dans la mesure où la matière et l’espace se comportent au bout du geste ( dans le geste-à-bout-de-geste …) comme des forces antagonistes, des entités inconciliables qui se repoussent mutuellement en repoussant les limites d’un lieu d’être de l’art.

 La logique de la déconstruction selon Derrida cultive la promesse d’un au-delà de toute logique discursive / picturale, de toute cognition iconographique, lieu d’inconnaissance et de non vision, lieu de conscience ouverte, stase face à Cela qui ne laisse représenter par aucun visage, aucune fenêtre, aucun ici, aucun ailleurs…abstraction pure ! évasion décontruction – destruction !

L’évolution tactiliste de Théo Kerg à partir des années 50 est marquée par un travail d’excavation des virtualités transformatrices et méta-figuratives des matières premières, en quelque sorte un chemin à rebours vers les secrets enfouis de toute création, là où le geste puise dans la matière informe pour lui trouver lieu de sortir, lieu de trace, espace, lumière, advenance.

Les deux dernières décennies de Théo Kerg dévoilent à proprement parler le dessein du tactiliste, à savoir la quête imperturbable d’un lieu de création d’origine, lieu de création tout-court, lieu épuré, lieu sans barrière, lieu sans encombres, dans la seule temporalité de l’instant.L’artiste se dévoile en détruisant une partie de son oeuvre , en retouchant des tableaux pour les amputer de leur matière, en s’attaquant au support comme référent, tentant le geste affranchi pour accéder au coeur du non être…

L’isolement croissant du peintre dans les années 80, le cancer, la dépression sont certes des moments de déstructuration physique et mentale, mais ne doivent en aucun cas servir à court-circuiter le parcours de l’artiste vieillissant pour n’en faire qu’une période stérile de fin de vie. Au contraire, ces années sont à considérer comme la matière dé-posée d’une oeuvre d’art, en d’autres mots, comme un rappel(advenu) traduit en appel (non-advenu) : l’art toujours compris dans le déchirement des médiums, dans l’éclatement du champ de vision, dans la non connaissance de la vraie vie des signes !

Accordons-nous donc un dernier détour par Jacques Derrida, le penseur de la « différance », à propos de la texture signifiante de notre temporalité, signes de présence et d’absence, d’être et de non être, noyaux vifs de la « déconstruction » :

Si la trace, archi-phénomène de la « mémoire », qu’il faut penser avant l’opposition entre nature et culture, animalité et humanité, etc., appartient au mouvement même de la signification, celle-ci est a priori écrite, qu’on l’inscrive ou non, sous une forme ou sous une autre, dans un élément « sensible » et « spatial » , qu’on appelle extérieur (…)

Le dehors, extériorité « spatiale » et « objective » dont nous croyons savoir ce qu’elle est comme la chose la plus familière elle-même, n’apparaîtrait pas sans le gramme, sans la différance comme temporalisation, sans la non-présence de l’autre inscrite dans le sens du présent, sans le rapport à la mort comme structure concrète du présent vivant.

(Jacques Derrida, De la grammatologie, Paris, Minuit, 1967, p.103)

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